Conclusion sur les châssis piste Tamiya 

Presque 40 années de production de Tamiya dans le segment des véhicules pistes ont été couvertes, depuis les tous premiers modèles qui étaient des maquettes roulantes jusqu'aux derniers modèles modernes qui ciblent des niches de marché comme le drift ou le rallye. Plus de 30 années marquées par des succès incontestables et une perpétuelle nécessité de s'adapter à la moindre évolution du marché et des goûts du public.

Stratégiquement, Tamiya a très tôt compris la principale attente du public : la variété. En effet, le châssis n'est rien de plus que le support d'une carrosserie pour la majorité du public qui est avant tout sensible à l'esthétique du modèle (et à son prix, bien entendu). D'autant que Tamiya a toujours misé sur son savoir-faire en modélisme statique pour réaliser des carrosseries extrêmement réalistes : c'est l'un de ses atouts maître.

Une autre caractéristique de la stratégie de Tamiya est d'avoir assuré une présence sur pratiquement tous les segments du marché, soit en tant que précurseur, soit dans le peloton de tête des fabricants. C'est là un deuxième atout considérable : la faculté d'adaptation, que ce soit commercialement ou au niveau du design des produits.

Enfin, Tamiya a toujours privilégié l'évolution de ses châssis plutôt que les changements radicaux induits par un design à partir d'une feuille blanche : cette solution permet de miser sur les acquis de la génération précédente, voire de transposer des solutions techniques issues d'autres lignes de produits. Les coûts de développement s'en trouvent ainsi réduits et permettent de davantage rentabiliser l'outil de production.

Contrairement à la grande majorité des acteurs sur le marché du modélisme radio-commandé, Tamiya cible avant tout le grand public. Car personne ne naît compétiteur : le marché est avant tout celui du loisir, et c'est le point d'entrée de tous les pratiquants ou presque. Viser exclusivement un public compétiteur est particulièrement dangereux à plusieurs titres :

  • la fidélité à une marque n'existe pas en compétition : sans état d'âme, seul compte le résultat personnel du pilote. Le véhicule utilisé sera celui le plus performant qu'il peut s'offrir en début voire en cours de saison
  • l'innovation doit être permanente afin de rester à la pointe : ceci induit des coûts de recherche et développement colossaux qui ne peuvent être amortis sur les volumes et qui doivent donc l'être sur le prix du nombre d'exemplaires produits

Le segment compétition est donc une activité à très fort risque, tant économique qu'industriel. Bien évidemment, l'activité compétition peut être déclinée sur des gammes de véhicules grand public, mais l'image de marque sera avant tout celle procurée par les résultats en course : au moindre faux pas en compétition, les volumes de vente des déclinaisons grand public s'écroulent, privant le fabricant de ressources financières vitales pour rattraper son retard technologique en compétition. Il devient alors extrêmement complexe de bâtir une stratégie de marché saine dans ces conditions changeantes : la pérennité du fabricant est précaire et l'histoire du modélisme radio-commandé est truffée de ces exemples.

Tamiya a judicieusement opté pour une stratégie radicalement inverse : avec des modèles très esthétiques et abordables, qui plus est faciles à assembler et variés, le fabricant s'est donné les moyens de combler les attentes du grand public. Le grand public est moins exigeant en termes de performances pures, ce qui permet au fabricant de maximiser sa rentabilité industrielle et financière qui garantissent une plus grande pérennité à l'entreprise. Par ailleurs, la fidélisation des clients sur la marque est très nettement plus prononcée auprès du grand public, ce qui est un atout très important pour un fabricant.

Sans jamais renier sa cible de clientèle de prédilection, Tamiya a pu développer une activité compétition en enchaînant assez rapidement les titres mondiaux au point d'établir une hégémonie quasi incontestée en Touring. Or l'immense majorité des compétiteurs a d'abord commencé avec un modèle de loisir avant de s'engager plus sérieusement : c'est là que l'effet fidélisation va jouer son rôle, permettant à Tamiya de miser sur les deux segments de marché.

De plus, l'une des caractéristiques de Tamiya est d'avoir très tôt développé le concept des options, les fameux Hop-Up. Tout modèle dispose d'un catalogue plutôt vaste de pièces optionnelles destinées à améliorer les performances ou l'aspect esthétique du châssis. Outre l'incontestable valeur ajoutée financière que les Hop-Up génèrent, ils recèlent une autre caractéristique stratégique : ils permettent au client d'améliorer les performances de son modèle et développent ainsi ses appétits de compétiteur. Naturellement, celui qui souhaitera franchir un nouveau cap de performance commencera par étudier en priorité les modèles plus performants du fabricant qu'il connaît déjà. D'un modèle économique d'entrée ou moyenne gamme, les Hops-Up permettent ainsi à Tamiya de faire monter ses clients en gamme sur des modèles plus performants, mais aussi plus coûteux.

La stratégie générale de Tamiya sur le segment des véhicules piste a fortement évolué au cours de ces 30 années, mais elle s'est en permanence appuyée sur son coeur de marché (le grand public) et son savoir-faire modélistique (les carrosseries réalistes). En ce sens, cette stratégie prend globalement le contre-pied de celles de ses concurrents qui eux doivent avant tout miser sur le secteur de la compétition pour exister, avec tous les risques que cela comporte. 

Tamiya est le leader absolu sur le marché grand public grâce à une stratégie redoutable d'efficacité et un savoir-faire à la pointe. Par ailleurs,Tamiya manie à la perfection la synergie des marchés :

  • un client maquette statique qui désire faire rouler ses créations s'orientera naturellement vers les modèles radio-commandés de la marque, et inversement
  • un client qui désire améliorer les performances de son modèle s'orientera naturellement vers la vaste gamme des Hop-Up et s'il franchit encore une étape supplémentaire dans sa quête de performance, il va en priorité étudier l'offre du même fabricant, d'autant plus que les pièces compatibles entre différents modèles sont souvent nombreuses. 

L'analyse des plateformes piste démontre que Tamiya ne s'est pas engagé sur le marché du modélisme radio-commandé sans une stratégie déjà bien établie dès 1976. Au cours des 30 années suivantes, cette stratégie s'est encore améliorée et a démontré toute sa pertinence, y compris à l'heure de bouleverser radicalement la physionomie du marché. Très tôt, Tamiya s'est donné les moyens d'établir son emprise sur le marché et d'en être le leader absolu sans que sa position dominante ne soit jamais mise en danger par ses concurrents. Le coeur de la stratégie de Tamiya est très semblable à celle d'un constructeur automobile à l'échelle 1 : c'est le seul fabricant à avoir transposé ce schéma industriel au monde de la RC.

 

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