La famille Evans

L’une des histoires les plus passionnantes de la saga des pilotes Tamiya est celle de la famille Evans. Jamais la genèse d’une voiture n’a pris une tournure aussi familiale.

Tamiya Grasshopper driver

Nom :
Surnom :
Modèle :

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Frank Evans
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58043 Grasshopper (1983)

Evans
Big Daddy Evans
58074 Grasshopper II (1988)

 

La famille Evans est originaire du Mississipi. Lorsque j’ai contacté Big Daddy, il a sauté de joie à l’idée de me raconter un peu de leur histoire. Il m’a même proposé de m’offrir le billet depuis la France pour aller les rencontrer dans la ferme familiale à Hoppertown. Ce ne fut bien sûr pas nécessaire car le billet fut offert par le site Black Hole Sun, et c’est après 48 heures de périple que le sympathique agriculteur m’ayant pris en stop devant la gare à l’arrière de son Ford Bronco me déposa à destination. 

Apres avoir jeté mon vieux sac hérité de l’armée sur le sol et sauté de ce si haut engin, le Ford Bronco disparu dans un nuage de poussière ocre. C’était la fin d’une chaude journée et devant moi se déroulait une longue allée en terre menant à une ferme américaine typique bordée de champs de blé.
Au loin, un homme me fit signe de m’approcher.
 

Monsieur Evans ? 

Big Daddy Evans : Bonjour BaraToZ, vous avez fait bon voyage ? 

La main de Big Daddy est large et calleuse et sans qu’il ait besoin de la broyer, je ressens toute la force d’un homme qui a mené une vie de labeur physique. Vêtu de bottes en caoutchouc, d’une chemise à carreaux et d’un vieux jean Levi’s, ses larges épaules et son mètre quatre vingt dix impressionnent autant que son sourire et la tape amicale sur mon épaule me mettent à mon aise. 

Oui, merci. Quel plaisir de vous rencontrer ! 

Big Daddy Evans : Ha ha ! C’est gentil, mais tu sais ici la star ça a toujours été mon fils ! 

Vous êtes deux légendes du Buggy ! Pouvez-vous me raconter un peu l’histoire des Grasshopper ? 

Big Daddy Evans : Bien sûr ! Vous êtes venus pour ça ! Allons au hangar, mon fils est en train de regraisser le diff’ de son Grass’ ! 

Derrière la ferme se trouve un grand hangar en bois. Lorsqu’il pousse sans effort la lourde porte coulissante que j’aurais eu du mal ne serait-ce qu’à entrouvrir, je découvre un sol en terre et deux engins garés en son milieu éclairés par la lumière perçant la poussière à travers les planches du mur de la grange.
Devant moi, sagement garés, un Grasshopper et un Grasshopper 2, bercés par l’odeur d’essence et d’huile qui règne toujours dans les vieux garages.
 

Bon sang, si j’avais cru voir ça un jour ! 

Big Daddy éclate de rire lorsque Frank Evans himself sort de sous son Grass, allongé sur un plateau de travail à roulettes. Il essuie ses mains pleines de cambouis et s’approche de moi en riant. Il est presque aussi grand que son père et sa salopette bleue noircie par la crasse laisse apparaître des bras digne d’un champion de barres parallèles. 

Quel honneur d’être ici ! Frank, peux-tu me raconter la genèse de ces engins ? Tu sais qu’ils ont marqué pas mal d’amateurs ? C’est le véhicule de course qui a accompagné presque tous les débutants en Europe ! 

Frank : Merci BaraToZ ! Tu sais l’histoire de ce Buggy est très différente de tous les autres. C’est au début des années 80 que ça a commencé, début 1983 en fait. J’avais 14 ans et mon père ne savait pas quoi m’offrir pour mon anniversaire. Nous n’étions pas riches mais Big Daddy voulait me faire plaisir ! 

Big Daddy reste en retrait et regarde Frank avec les yeux que seul un père fier de son fils peut avoir. 

Il était allé à la casse chez John "Big Stock" Ron (le père de Ramblin, le pilote du Blackfoot) pour essayer de trouver un vieux châssis à retaper. Mais bien que John ait rogné sur le prix, il n’avait pas pu m’offrir autre chose qu’une épave de Volkswagen Beetle de 1971. 

J’ai du mal à croire que tout est parti de là ! 

Frank : Et pourtant si ! Il y a presque trente ans, ici même, lorsqu'il a soulevé la bâche qui recouvrait ce qui restait de la Beetle, je lui ai sauté dans les bras. 

Big Daddy sourit. 

Nous n’étions pas des ingénieurs sur-diplômés, nous ne pouvions pas faire d’étude de châssis, de rapport poids-puissance ou je ne sais quoi ! Nous savions que de nombreuses heures de travail nous attendaient pour faire le Buggy dont nous rêvions et nous savions qu’il faudrait se contenter de solutions techniques simples, peu onéreuses et robustes, comme des suspensions à friction, ou un pont arrière rigide. 

Nous y avons passé pas mal de nos nuits lorsque nous avions fini de travailler aux champs. Pour tenir le coup, ma mère nous portait des sandwichs et du lait. 

Pour la première fois, au bout de 6 mois, nous avons pu la sortir du garage et faire le tour de la ferme dans un grondement et des pétarades directement venues de l’enfer. Deux mois plus tard, la carrosserie était terminée. Fin 1983 nous finissions les tests sur piste et commencions la mise au point. Ces moments-là sont gravés dans ma mémoire à tout jamais. 

Mais comment un véhicule conçu par des non professionnels a-t-il pu être repris par une firme proposant des produits aussi techniques et performants que Tamiya ? 

Big Daddy Evans : L’engin marchait si bien et Frank montrait de telles aptitudes de pilote que début 1984, je l’ai inscrit au "Mississipi Buggy Champ’ Challenge". C’était une course un peu folle lors de laquelle pratiquement tout ce qui roule pouvait être engagé. A l’époque, les véhicules officiels Tamiya survolaient bien naturellement ce genre de courses. 

Contre toute attente, et malgré les handicaps de notre engin et sa tendance à sautiller sur toutes les bosses, Frank remporta la course devant des Sand Scorcher et des Rough Rider ! Tout ça sous le regard médusé du staff Tamiya ! 

Incroyable ! Le début d’une fabuleuse histoire ! 

Frank : Oui, le staff Tamiya me demanda de me rendre au Japon avec le prototype. Ils me proposèrent un pont d’or pour la leur vendre et qu’ils puissent exploiter les éléments à leur compte. Ce fut bien sûr un honneur que d’accepter mais mon père imposa que je sois nommé pilote officiel de cet engin. 

Les ingénieurs finirent de le mettre au point, lui dessinèrent une carrosserie et posèrent les pneumatiques du Sand Scorcher pour améliorer la motricité. Ils le surnommèrent "Grasshopper" pour se moquer de sa tendance à sautiller sur les bosses. Ils ont repris également certaines de nos solutions techniques pour profiter de leurs faibles coûts de production, comme par exemple sur le Lunch Box de Vanessa.
Frank baisse les yeux, soupire et rougit un peu avant de poursuivre : 

Comme tu le sais, j’ai parcouru le monde et fait un nombre incalculable de courses et de shows. J’ai couru contre pratiquement tous les véhicules Tamiya mais aussi des marques concurrentes de l’époque comme Kyosho ou Hirobo ! J’ai cassé des milliers de pièces et mille fois rayé l’arceau de sécurité sur du gazon, des graviers, de la rocaille et des tremplins ! Le faible coût de l’engin a permis à des milliers de fans d’accéder à la compétition dans les années quatre vingt ! 

Oui, le Grasshopper est sans doute un des engins les plus célèbres et les plus diffusés de Tamiya, notamment en Europe ! Et comment est apparu le Grasshopper 2 ? 

Big Daddy Evans : Tamiya a toujours été très reconnaissant envers nous, et pour que j’aie le plaisir de courir auprès de mon fils, ils développèrent une voiture légèrement améliorée. Mais malgré ces petites mises au point, je n’ai jamais pu éclipser mon fils et la légende du Grasshopper ! 

Frank rit et tape sur l’épaule de son père. 

Quelle est votre actualité aujourd’hui ? 

Big Daddy Evans : Pour ma part, j’ai arrêté la compétition il y a pas mal de temps déjà et je ne pilote plus que pour de rares exhibitions de véhicules anciens. Frank est toujours pilote officiel et continue à ravir les amateurs à travers la planète. Si son véhicule est loin d’être le plus performant, il fait toujours le spectacle et beaucoup le regardent avec nostalgie comme étant celui qui les a fait aimer la compétition. 

Merci pour ces moments et de nous avoir livrés ces secrets. Cette interview sera publiée sur le site Français de référence sur les véhicules Tamiya "Black Hole Sun" 

Je suis resté trois jours à la ferme des Evans. J’ai eu l’occasion de faire la connaissance de la maman de Frank qui est une des meilleures cuisinières du Mississipi. Nous avons fait de nombreuses séances sur les Grasshopper et avons bien sûr fait fumer la gomme.
Naturellement, ce ne sont pas les engins les plus rapides, mais ce sont de merveilleuses machines ludiques simples et robustes. Il m’a suffit de m’installer à leurs commandes pour me retrouver dans mon enfance, comme un matin de Noël ou un soir d’anniversaire lorsque, pour la première fois, sous le regard de mon père fier et amusé, je tournais un volant ou poussais des sticks ;-)

 

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